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DE MÉMOIRE - Ben Arpéa - 193Gallery - Photos par Nicolas Brasseur. Courtesy Ben Arpéa et la 193 Gallery.

BEN ARPÉA, ARTISTE AUX MILLE VISAGES

Par ZOE TEROUINARD

Il peint, il sculpte, il design. Tout ça parfois dans une seule et même œuvre. Artiste à l’âme aussi colorée que son trait, Ben Arpéa fait confiance à son instinct, mais aussi à sa mémoire, pour se constituer un corpus à la fois cohérent et complètement éclectique. Actuellement exposé à la 193 Gallery, son univers se déploie sur des toiles pastel, évoquant vaguement des souvenirs méditerranéens, mis en lumière grâce à un traitement de la matière et un sens des nuances sans pareil.

Tu fais de la peinture, de la sculpture, du design. Pourquoi est-ce que tu as choisi de t’exprimer sur différents médiums et qu’est-ce que chacun d’eux t’apporte individuellement ?

Je pense que c’est une envie, c’est un besoin de sortir de ma zone de confort. J’ai commencé par la peinture. La peinture reste mon médium de prédilection. Mais, chaque élément que je peins sur mes tableaux, je le pense un peu comme une sculpture. Il y a de la texture, il y a de la matière. Donc j’avais envie de sortir ces éléments et de les rendre plus réels. D’où cette envie de faire de la sculpture. Et j’ai toujours envie de me confronter à d’autres choses.

Et c’est pour ça que le mobilier, c’était quelque chose d’hyper intéressant pour moi. Et je trouvais ça très intéressant de faire d’un tableau qu’on regarde un objet du quotidien qu’on peut utiliser.

Parfois, en ne faisant que de la peinture, on peut ressentir un peu d’ennui, une sorte de lassitude de faire toujours la même chose. C’est pour ça que c’est intéressant d’aller chercher ailleurs. Ça m’inspire pour la peinture et tout se rejoint finalement.

En parlant de ce désir d’expérimentation, tu as aussi travaillé avec l’intelligence artificielle. Est-ce que tu peux nous en parler ?

J’ai récemment travaillé avec l’intelligence artificielle pour faire une œuvre digitale. Je n’ai jamais trop compris les œuvres digitales, pour être tout à fait honnête. Et donc je trouvais ça intéressant d’y aller quand même. Ma pratique passe beaucoup par le geste. Je fais tout moi-même, j’ai même du mal à déléguer la mise en châssis de mes tableaux. J’accorde vraiment une importance au geste et à la matière.

Donc là, le digital, pour moi, c’était très abstrait. Et l’IA encore plus. Mais finalement, ça a été vraiment un processus créatif, réalisé en collaboration avec l’intelligence artificielle. Je lui ai présenté une photographie d’un de mes tableaux. Et avec l’intelligence artificielle, on a travaillé ensemble pour l’animer et le rendre réel. C’était très intéressant comme processus créatif.

Et finalement, il y a ce côté un peu émouvant dans le fait de voir cette œuvre s’animer. On en arrive à se demander qui est l’artiste derrière cette œuvre. Et je pense que l’artiste derrière cette œuvre, c’est à la fois l’intelligence artificielle parce qu’elle a interprété mes mots et ce que je voulais faire, mais en même temps, elle a aussi été créative. Donc, ça a été une rencontre de deux mondes. C’est vrai que j’utilise l’intelligence artificielle au quotidien pour différentes tâches, comme on le fait tous. Mais je voulais vraiment confronter mon art, mon travail, à cette IA pour créer cette œuvre.

J’aimerais bien aussi qu’on parle de ta palette de couleurs… Tu parlais tout à l’heure aussi des textures et de ce qui constitue ton univers. Ces couleurs-là, ces textures, ces paysages un peu méditerranéens, c’est particulièrement reconnaissable. Est-ce que tu peux me parler de ton identité et puis plus largement de tes choix picturaux ?

J’essaie… La couleur, ce n’est jamais vraiment réfléchi, c’est toujours assez instinctif. Je vais travailler, toujours en amont, mes mélanges de peinture. C’est à partir de là que je vais choisir une couleur, donc il n’y a pas vraiment de recherche. Parfois, c’est raté. Parfois, l’association de couleurs ne marche pas très bien, mais j’aime aussi prendre ces risques. J’aime sortir un peu de ce qui se fait, de ce qui est conventionnel dans l’association des couleurs. Je pense que c’est pour ça que j’arrive à faire quelque chose qui sort un peu de ce qu’on a l’habitude de voir.

Concernant la texture, c’est pareil, j’essaie que chaque élément ait à la fois une texture et une couleur différentes, que la texture soit assez forte. Je mélange toujours avec du sable ma peinture, que ce soit de la peinture à l’huile ou de la peinture acrylique. Et je travaille vraiment un peu comme une sculpture, comme je le disais. C’est-à-dire avec des outils, que ce soit des outils de maçonnerie ou des outils que je fabrique. C’est rarement des pinceaux. Les pinceaux, c’est plus pour les fonds. Utiliser des outils, c’est super important parce qu’il y a de la répétition dans mes tableaux. J’aime beaucoup la répétition parce que dans mes toiles, je montre des objets qui ont un sens pour moi.

On est actuellement à la 193 Gallery où tu présentes ta dernière exposition qui est articulée autour de la thématique de la mémoire. Est-ce que tu peux m’en parler ?

Ma peinture parle beaucoup de souvenirs et de mémoire. Ça va être des souvenirs d’enfance, des moments passés, des instants un peu suspendus. Et donc, avec la galerie, on est parti de là. Et c’est pour ça que, d’ailleurs, dans mes tableaux, il n’y a pas forcément énormément d’éléments. C’est souvent assez minimaliste. Les éléments qui ressortent, ce sont des souvenirs qui me viennent à l’esprit. Comme ce sont des souvenirs, ce n’est jamais très précis. Je pars rarement d’images, voire jamais d’images : je pars de souvenirs. D’où le titre et le thème de cette exposition.

Tu disais justement que tes peintures étaient très épurées et je trouve qu’il y a quelque chose d’assez marquant dans tes œuvres, c’est l’absence systématique de figures humaines. Pourtant, on n’est pas vraiment dans une nature morte traditionnelle ou dans un paysage traditionnel. On n’est pas non plus dans l’abstraction…

Pas encore, peut-être que ça viendra, mais pour l’instant, j’aime que ça soit effectivement suggéré. Il y a toujours le passage d’un humain, d’un personnage qui est suggéré dans mes tableaux. Et j’aime que le spectateur soit finalement acteur de ce tableau, qu’il soit le seul personnage de la toile. Quand on regarde un tableau, qu’on voit une table, on peut se projeter dans ce paysage, dans cet élément de mobilier et, plus largement, dans ce moment.

Jusqu’à aujourd’hui, ce n’était pas hyper pertinent pour moi d’insérer des personnages dans mes tableaux. D’ailleurs, je ne sais même pas vraiment comment les positionner ! Une seule fois, sur un seul tableau, il y avait une ombre. C’était une suggestion qui allait un tout petit peu plus loin. Et une autre fois, on voyait une partie d’un visage… Ça a été les deux seules fois. Mais effectivement, j’aime l’idée de suggérer la présence et que le spectateur puisse être en fait le seul personnage du tableau.

Artiste : Stefania Tejada
Journaliste : Zoé Térouinard
Vidéaste : Ervin Chavanne
Galerie : 193 Gallery