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Marco Tomasetta, directeur artistique de Montblanc

AU SOMMET

Par Laurent Dombrowicz

Marco Tomasetta, directeur artistique de Montblanc, entend bien apporter à l’art d’écrire et à celui de voyager un certain supplément d’âme.

Lorsque l’on évoque la très chic griffe germanique, on convie essentiellement des faits et des certitudes. Fondée en 1906, elle est à l’origine du stylo-plume moderne dont le mythique et oblong Meisterstück (chef-d’oeuvre, en allemand), qui a fêté son centenaire l’année dernière. Le célèbre logo représente une étoile blanche aux six pointes arrondies, comme les six glaciers du Massif. En termes d’intemporalité et de sérieux, difficile de rivaliser avec Montblanc dont les ventes de stylos haut de gamme représentent 70 % du secteur. La diversification a pourtant été lancée dès les années 1930 avec l’essor du voyage, notamment ferroviaire. Étuis, porte-documents, sacs et bagages légers griffés Montblanc font rapidement le tour d’Europe puis des cinq continents. Ce souci d’une excellence spécifiquement européenne dans son style et sa communication a connu un moment de gloire dans les années 1980, prônant la réussite individuelle et sacralisant les yuppies : si tu n’as pas ton Montblanc, tu as (plus ou moins) raté ta vie. Sacs et stylos ont alors été rejoints par d’autres catégories de produits comme l’horlogerie et la parfumerie pour donner à Montblanc une véritable dimension lifestyle. Malgré ses incontestables succès, la griffe a succombé dans une demi-léthargie stylistique, bercée par l’excellence de ses produits et le classicisme d’une clientèle qu’elle croyait immuable. Pour parer à de nouvelles envies sans renier ses fondamentaux, Montblanc a fait appel en 2021 à Marco Tomasetta, désormais en charge de la direction artistique. Riche d’un parcours chez Fendi, Prada et Louis Vuitton, il oeuvre à enrichir les collections mais aussi à véhiculer une valeur émotionnelle à ses réalisations. Il nous reçoit à son bureau, l’endroit d’où tout se rêve et se crée.

Marco Tomasetta : Le bureau, c’est toute une histoire, une histoire d’harmonie. Le mien est très organisé mais j’en ai vu d’autres, comme celui de Sofia Coppola, où la beauté du chaos était fascinante. Il y avait un sens dans ce chaos.

CitizenK Homme : Depuis pas mal de temps, on discute à nouveau de la relative perméabilité entre travail et loisirs, entre bureau et extérieur. Comment voyez-vous ces deux mondes communiquer entre eux chez Montblanc ? Sont-ils en conflit ?

Une marque comme Montblanc, c’est un endroit qui offre plusieurs possibilités comme on choisit un livre dans une bibliothèque. Bien sûr quand je vois les dirigeants du groupe Richemont ou les hommes d’affaires chinois avec leur briefcase et leurs trois stylos dans la poche, cela parle immédiatement de travail. Et c’est très Montblanc! Mais je vois également une nouvelle génération qui a envie de couleurs, de matières plus créatives.
Une exigence dans la qualité mais plus de liberté dans les codes et dans la manière de se les approprier. Montblanc n’impose pas un look, une attitude, ni même le diktat d’un logo omniprésent. C’est le client qui choisit son rapport à la marque. Quand un client achète un stylo Meisterstück en affirmant qu’il l’a choisi parce qu’il aime beaucoup la personne à qui il va l’offrir, ça me touche et ça correspond parfaitement à ce qu’est réellement la marque. Je souhaite vraiment que cela devienne le cas pour toutes les catégories de produits.
Mais la créativité reste nécessaire, car si un stylo peut être un compagnon pour une vie dans une dimension très personnelle, la maroquinerie n’a pas pour vocation de ne jamais évoluer. Il faut trouver un équilibre précis dans ce qui change et ce qui reste, entre la transmission et l’évolution.

*Cet article est issu de notre numéro de printemps 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*