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LE GRAND RITE DE LA BEAUTÉ - Zero Zero

LE GRAND RITE DE LA BEAUTÉ

Par MAÏTÉ TURONNET, Photo Par ZERO ZORO

Mythique, iconique, rituel, culte. Il y a en cosmétique des mots majuscules qui sonnent comme
des mantras religieux. Mais est-ce bien indispensable ?

D’ordinaire, ce lexique spécifiquement religieux est plutôt employé pour rendre hommage à une divinité, à un objet consacré ou aux ancêtres. À notre bonne étoile illuminatrice lorsqu’on est un Inca résiduel dans Tintin et le temple du Soleil ou à la Sainte Vierge quand on vit au Vatican. Parfois, en cas de dérive, à une star de la chanson (Prince, Madonna, Beyoncé). Sinon, hélas !, au dollar, si l’on bosse à Wall Street ou qu’on y aspire.

Que l’on me permette donc ici une légère rébellion : chaque chose à sa place. L’idée même que l’on puisse être dévote (ou dévot) à des objets industriels (une voiture, un abonnement à Netflix, un téléphone) a quelque chose d’absurde, de trivial et d’un peu avilissant ; élever le matériel au niveau du sacré nous rabaisse au rôle de consommateurs fétichistes. Il est pourtant, en l’occurrence, tout à fait possible de parler de ses produits de beauté préférés sans tomber dans l’idolâtrie, ni cracher dans la soupe. En particulier des parfums et des rouges à lèvres, deux choses qui finissent, lorsque portées avec fidélité, par s’identifier à nos personnes. Voyons voir.

LE ROUGE AU COEUR

Le rouge à lèvres, alors. Un cas d’école qui, depuis dix ans, bénéficie chaque 29 juillet d’une “journée mondiale” partagée avec le tigre ; tout un symbole, diront certains. Au même titre que la paix (1er janvier), la chicorée (23 novembre), les orphelins de guerre (6 janvier), le pull moche (9 février) ou la marionnette (21 mars, soit très proche de celle des droits de la femme qui a lieu le 8 mars. Mouais…). Femmes parmi lesquelles, et pas les plus décérébrées, beaucoup assurent ne pas pouvoir se passer de ce fard contradictoire, emblématique, selon les périodes, d’émancipation, de liberté et de revendication ou de soumission, mauvaise vie, tentation (allez mettre du rouge à lèvres en Afghanistan… Pas de problème en revanche en Iran, où parfum et make-up sont autorisés). Tous les témoignages de ces femmes concordent: elles rapportent le sentiment de se sentir “nues” lorsqu’elles n’en portent pas.

*Cet article est issu de notre numéro d’automne 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*