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Faux Real © Amy Peskett

Vraie rencontre avec le duo pop Faux Real

Par Justine Sebbag

Après un premier EP sous influence glam pop synthétique, les hurluberlus de Faux Real ont dévoilé le single Full Circle en juillet dernier. Inscrivant leur univers dans un théâtre de l’absurde halluciné, fait de chorégraphies hypnotisantes et de second degré, les frères Elliott et Virgile Arndt explorent leur filiation sous le prisme d’un jeu de miroirs déformants. Nous les avons rencontrés en pleine tournée estivale, à l’occasion du festival Pete the Monkey à Saint-Aubin-sur-Mer, en Seine-Maritime. 

Citizen K : Comment tout a commencé ? 

Faux Real : En 1990, quand nous sommes nés (rires). Plus sérieusement, ça faisait un bon moment qu’on voulait faire de la musique ensemble mais qu’on ne trouvait pas le temps de le faire. On avait chacun des projets entre Paris et Londres, puis, un été, on s’est dit qu’on allait écrire de la musique et voir ce qui en sortait. Tout est parti de là. Il y avait une envie de créer quelque chose en famille. L’optique étant de prendre du plaisir sans penser projet, groupe, etc. On voulait faire un truc sans pression et finalement ça a eu un effet boule de neige. 

Citizen K : Racontez-nous votre premier concert !

Faux Real : On jouait en première partie de GUM, le projet solo de Jay Watson (Tame Impala, Pond), au Supersonic à Paris. Il faisait 37 degrés et comme c’était gratuit, la salle avait laissé entrer beaucoup trop de monde. On était hyper stressés mais finalement c’était dingue. On en garde un souvenir assez ému. Le lendemain, on est allés en studio et on a commencé les enregistrements du premier EP. Et c’était aussi l’anniversaire d’Eliott donc on peut dire que c’étaient 24 heures assez mémorables. C’est d’ailleurs la seule date qu’on a faite en tant que fumeurs. Après ce concert, on a vite compris que fumer des clopes et faire ce qu’on fait sur scène ne sont pas compatibles. 

Citizen K : Peut-être que vous allez devenir straight edge (sous- mouvement punk qui rejette la consommation de drogues et d’alcool, ndlr) à force… 

Faux Real : On est déjà passés par là… Enfin pas dans le sens puriste du terme. On buvait toujours du café, ce n’était pas non plus le straight edge monastique des années 90. C’était plus une question de santé, de clarté d’esprit, c’est arrivé de manière organique et ça nous a donné une nouvelle impulsion créative. 

Citizen K : Vous qui êtes franco-américains, qu’avez-vous gardé de chaque côté de l’Atlantique ? 

Faux Real : C’est une vaste question, qui a profondément nourri Faux Real en tant que projet et nous en tant que personnes. On a grandi en Europe et on habite aux Etats-Unis maintenant. Pourtant, quelque chose fait qu’ici, on ne sent pas complètement français et là-bas, pas complètement américains. Pendant notre vingtaine, on jouait dans des groupes. On a beaucoup tourné, beaucoup voyagé et toutes ces questions d’identités se sont présentées. On s’est questionnés sur notre dualité à nous, la dualité des langues, parce qu’on a grandi en parlant anglais et français. Ça se ressent dans ce qu’on écrit. Culturellement, le manque d’attache géographique nous a nourris, ça a créé la fondation très forte qu’à notre relation fraternelle. Notre point d’ancrage dans le monde, c’est cette relation. 

Citizen K : (en plus du jeu de mots) Pensez-vous que l’on vit dans une fausse réalité ? 

Faux Real : Ah la théorie de la simulation ! On aimait bien la gueule que ça avait à l’écrit, il y avait ce truc bilingue, cet aspect symétrique. Beaucoup de gens croient en la théorie de la fausse réalité, d’après laquelle on vivrait dans une simulation à travers les écrans. Pour nous, il s’agit davantage de trouver du confort à travers les nouveaux médias, dans le faux. Ce n’est pas parce que quelque chose est synthétique qu’il est néfaste. Le vrai, le réel, ce n’est pas forcément mieux. En termes d’image, on brouille aussi les pistes entre fiction et réalité. Il y a l’image qu’on renvoie, celle qui fait partie de nous et les personnages que l’on joue. La notion du vrai paraît un peu datée. Elle a même mauvaise connotation pour les nouvelles générations. Dans la musique par exemple, quand on entend parler du “vrai rock”, ça laisse toujours un goût amer. On a cette envie de célébrer le vrai comme le faux et les zones grises entre les deux. Tant que c’est honnête, que ça soit vrai ou faux, ça n’a pas d’importance. 

Citizen K : Vous avez collaboré avec Jay Watson (Pond, Tame Impala) sur votre premier EP. Est-ce que vous aspirez à faire des tubes psychédéliques ? 

Faux Real : On a beaucoup écouté Tame Impala au début ! Effectivement on a travaillé avec Jay pour le premier EP, qu’il a coproduit et sur lequel il a fait les batteries. Mais pour ce qui est de la notion classique du psychédélisme, ce n’est pas quelque chose qui nous a spécialement influencés. Dans notre musique, il y a un côté très pop, notamment avec les refrains, mais on n’est pas non plus sur de la musique expérimentale. Il y a un versant expérimental dans ce qu’on écoute et ce qui nous inspire, mais ce qui sort pour le moment est plutôt pop. Après l’idée de jouer dans des stades avec la foule qui crie les paroles de nos chansons, pourquoi pas. Encore une fois, il y a cette dualité du fait qu’on aime les trucs obscurs et niches avec lesquels on a grandi autant que la pop actuelle, qu’on décortique avec beaucoup d’intérêt. On a pas mal écouté Olivia Rodrigo, Ariana Grande et Bad Bunny ces derniers temps. Dans un univers plus proche du nôtre, il y a The Weeknd, qui possède une touche eighties, très synthé. Le producteur Oneohtrix Point Never, avec qui il travaille, est un de nos producteurs préférés et il fait des choses plus expérimentales à côté. 

Citizen K : Dans votre dernier single « Full Circle », on entend un mélange d’influences allant du glam rock à l’hyperpop, voire de l’émo… 

Faux Real : Il y a de tout parce qu’on a un côté post-punk assez prononcé, quelque chose d’un peu glam et un peu rock. On ne vient pas du hip hop ou du jazz… 

Citizen K : Comme chez les icônes glam rock, vos tenues de scène sont flamboyantes. Que vous apportent les vestes à franges que vous portez quand vous performez ? 

Faux Real : Les vêtements sont un outil de travail ! On aime penser le projet Faux Real comme quelque chose de complet, c’est au centre de notre relation entre frères. Les costumes de scène nous aident à la fois à jouer des personnages et à nous découvrir nous-mêmes. Au final, c’est ça qu’on recherche, ce qui est au centre de nos interactions, de notre identité commune. On l’envisage comme une force centripète qui nous amène toujours plus près du milieu. Et les costumes comme les clips en font partie. C’est un tout. 

Citizen K : Il y a un jeu de miroirs pendant vos concerts, déjà par votre ressemblance et par vos mouvements. Vos mains s’unissent, vos regards se croisent. Pourquoi ?

Faux Real : C’est dans l’optique de cette dualité qui est au cœur du projet et qui marche bien sur scène visuellement parce qu’elle intrigue. Ça a commencé un peu par hasard, pendant la préparation du premier concert. On n’avait jamais été sur scène sans instrument, donc la chorégraphie, qui est en fait une interaction, permet de s’accrocher à quelque chose, puis ça a fini par devenir une partie intégrante du concert. Même si c’est de la performance, ça reste honnête, c’est comme ça qu’on est. 

Citizen K : On peut avoir l’impression que votre musique vient tout droit du futur. Si vous deviez remplir une capsule temporelle pour les prochaines générations, qu’est-ce que vous mettriez à l’intérieur ?

Faux Real : Nos disques durs avec nos 300 démos pas finies dedans (rires). Et nos costumes de scène !