La collection Louis Vuitton printemps/été 2022 confirme la propension de Nicolas Ghesquière aux voyages dans le temps. Présent ? Passé ? Futur ? Hier, c’est aujourd’hui. Les époques se télescopent.
Le créateur français poursuit une œuvre aussi brillante que singulière, tant chaque collection semble plus aboutie que la précédente dans cette exploration temporelle. Car ce n’est pas la première fois qu’il dirige ce type de chaos chronologique pour la griffe de luxe. Les vestiges antiques de Fornasetti, le futurisme des 70s, le souvenir à peine effacé du Paris des Halles époque “branchés”, autant de bribes réorganisées en dis- cours mode puissant et cohérent.
Cette saison, le flashback s’apparente à un traveling arrière. “Les prémices de cette collection viennent de ma participation à la série Irma Vep (anagramme de vampire, ndlr) réalisée par Olivier Assayas pour HBO. J’ai réalisé les costumes d’Alicia Vikander qui y tient le premier rôle et également pour d’autres personnages. J’ai été très heureux de travailler sur ce projet. La série (et le film) s’inspirent d’une des toutes premières séries du cinéma muet, Les Vampires, réalisée en 1915 par Louis Feuillade. J’aime bien la figure du vampire qui parcourt les âges, s’accordant aux mœurs vestimentaires des époques qu’il traverse tout en gardant une certaine prestance liée aux périodes passées. Dans cette série du début du xxe siècle, il y a un bal. Au fil de mes inspirations, j’ai continué vers le bal et la fantasmagorie qu’il implique. Et le mystère de la nuit bien sûr, qui transforme toute chose, crée un monde d’illusion, quand on essaie de retarder le temps et que l’on redoute l’arrivée du jour” commente Nicolas Ghesquière.
De fait, le vocabulaire de cette collection, d’une opulence inouïe, joue sur la transformation, sur l’initiation et épouse, en filigrane, l’histoire de la maison Louis Vuitton qui fête ses 200 ans, sans une ride. Les vertugadins de l’impératrice Eugénie, les broderies années 1920, les queues de pie des dandys anglais, de la lingerie portée sous une cape, un graphisme eighties qui rappelle une autre histoire de vampire, The Hunger, réalisé par Tony Scott en 1983 avec Catherine Deneuve, David Bowie et Susan Sarandon. Une saison Louis Vuitton à devenir vraiment à crocs.