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Illustration PAUL LANNES

UN POÈTE SUR LE PRODUIT

Par ÉMILIE LAYSTARY - Illustration PAUL LANNES

Avec un regard au scalpel, Francis Ponge épie les aliments à la manière d’un explorateur scientifique. Dans sa langue, le pain devient un nouveau continent.

Chez certains poètes, le monde est un décor. Chez Francis Ponge, il est un buffet. Non pas un buffet de petits fours pensé pour les mondanités, ni même un banquet d’apparat débordant de victuailles. Plutôt un étal de matières brutes, comme le sont par exemple la pierre et le savon. Ni idéalisée ni réduite à son usage domestique, la nourriture est observée avec curiosité, analysée, presque disséquée. Car, pour Ponge, écrire, c’est donner droit de cité aux choses silencieuses.

Et quoi de plus parlant qu’un aliment, dans ce qu’il a de tactile et d’organique ? Sous la plume de celui qui emprunte volontiers au lexique technique des sciences expérimentales, le pain devient ainsi une métaphore de l’univers, à travers une approche quasi géologique. Dans son recueil Le Parti pris des choses (1942), Ponge nous dit : “Le pain est un des plus convenables objets du monde à cette sorte d’étude poétique que je propose. […] Sa surface craquelée, comme celle d’un désert, ou d’un vieux tableau, comporte des ridules, des crevasses.”

*Cet article est issu de notre numéro d’été 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*