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Martin Margiela fait sa foire à l’espace Lafayette Anticipations

Par VINCENT POINAS

Martin Margiela joue à l’invité mystère sur la plus internationale des foires européennes de l’art contemporain.

Rétrospectivement, nombre d’indices concordants s’additionnaient. Ses défilés étaient comme des performances, ses showrooms pareils à des installations et ses collections aussi conceptuelles que certaines œuvres contemporaines. Tantôt il empruntait à l’arte povera en recyclant de vieux vêtements, tantôt il brossait des habits en trompe-l’œil ou encore lacérait des silhouettes comme Lucio Fontana scarifiait ses toiles. En 1994, sa collection “Barbie et Ken” relevait sans conteste du pop art. Sa fameuse étiquette blanche plagiait tant Malevitch que Robert Ryman. Et si l’on se donne la peine de remonter aux origines, les faciès voilés de sa première présentation au Café de la Gare en 1989 convoquaient déjà l’esprit des surréalistes.

Alors aujourd’hui, rien de bien surprenant… Treize ans après ses adieux aux podiums de mode, Martin Margiela revient au-devant d’une scène désormais artistique. Présent pour une première fois à la Fiac en octobre, le créateur s’offre dans la foulée une exposition monographique à l’espace Lafayette Anticipations.

Blague de Belge, on accède à l’événement inédit par une issue de secours tandis que la sortie s’effectue par le hall d’accueil. Dans l’intervalle, le public pénètre une œuvre totale. La scénographie épouse la forme d’une construction labyrinthique cloisonnée par des stores californiens blancs. Et dans ce décor quasi clinique, le visiteur circule tel un rat de laboratoire soumis à un protocole d’expériences imaginé par l’artiste.

En préambule, une série de collages intitulée Hair Portraits évoque les jeunes années d’un savant fou en devenir. Sur la couverture de revues des années 60, les visages des grandes icônes de l’époque disparaissent sous des masses de cheveux adroitement implantées à l’aide d’un scalpel et de colle à papier. Dès lors, muses et monstres se confondent.

Passé ce premier chapitre nostalgique, l’inventaire des obsessions récurrentes de l’ancien designer se poursuit par tous les moyens et médiums possibles. Dessin, peinture, sculpture, vidéo : l’homme invisible maîtrise toutes les pratiques et les emploie à profit. Il tronçonne des corps sortis d’usines Mattel, esquisse d’intrigantes parcelles charnelles, aligne des scalps, détourne des supports publicitaires, vandalise le mobilier urbain et signe fièrement ses méfaits d’une simple empreinte de fer à repasser hissé sur un piédestal.

Ainsi se compose l’hétéroclite palais mental de Martin Margiela : tout à la fois populaire et élitiste, accessible et insondable, dérangeant mais néanmoins confortable.

MARTIN MARGIELA est représenté par la galerie anversoise Zeno X et son exposition parisienne se tient jusqu’au 2 janvier 2022 à l’espace Lafayette Anticipations.