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Le Vendéen Alexandre Couillon, nouveau chef trois étoiles au Michelin

Par Sirine El Ansari

Seule table à décrocher une troisième étoile au guide Michelin 2023, le restaurant La Marine de Noirmoutier impressionne les inspecteurs les plus inflexibles et les gourmets les plus avertis. Son chef Alexandre Couillon ne cesse de cultiver l’amour qu’il porte pour la mer et le végétal depuis la reprise du restaurant familial en 1999. Table discrète devenue adresse de renom, La Marine redore le blason gastronomique de la Vendée.  

L’émotion se lit sur le visage d’Alexandre Couillon et de son associée et compagne Céline : lors de la cérémonie de remise des étoiles Michelin ce lundi 6 mars à Strasbourg, le duo vendéen a vu son restaurant La Marine auréolé de trois étoiles, la plus haute distinction du fameux guide rouge, plaçant leur table de l’île de Noirmoutier à l’acmé du palmarès français de cette année. 

En passant de deux à trois étoiles, on pourrait penser qu’Alexandre Couillon n’a plus rien à prouver. Ce serait mal connaître le chef noirmoutrin de 47 ans, un combatif dans l’âme. Ses classes, il les fait aux côtés des chefs Georges Paineau à Questembert (restaurant Le Bretagne), Michel Guérard à Eugénie-les-Bains (Les Prés d’Eugénie), Thierry Marx à Pauillac (Château Cordeillan-Bages) et Pierre Lecoutre à Paris (L’Atlantide). S’il voit du pays au cours de ses années d’apprentissage, il n’en oublie pas son île chérie et, depuis, se nourrit de cette terre bercée par les vagues qui l’a vu grandir pour élaborer la carte de son restaurant La Marine. Généreuse et brute, Noirmoutier est une source d’inspiration quotidienne pour le chef, qui indique trouver son souffle créatif en observant le paysage marin du golfe de Gascogne. 

Si La Marine jouit désormais d’une reconnaissance à l’international, ses débuts sur l’île n’ont pas été marqués par un succès triomphal : l’île est reculée, les clients se font rares, et les fruits de mer d’Alexandre ne suffisent pas à remplir les caisses du restaurant. Combattant dans l’âme et soutenu par son épouse Céline, le chef continue malgré tout à tracer son chemin et s’autorise à rêver. Il se donne sept ans “pour réussir”, sans quoi il promet à sa bien-aimée de “ranger ses couteaux”. Malgré un travail sans relâche de la part d’Alexandre et de son équipe, le restaurant, pourtant ouvert tous les jours, vit au rythme du flux touristique, un flux estival qui fait de La Marine un restaurant saisonnier, bon gré mal gré. En 2002, il entre au guide Michelin avec un Bib Gourmand, une distinction offerte aux restaurants qui font rimer qualité avec petit prix. Cinq ans plus tard, Alexandre et Céline apprennent la nouvelle à la radio : La Marine a obtenu sa première étoile au guide Michelin. La promesse qu’il avait faite à Céline – et à lui-même – de se retirer des fourneaux en cas d’insuccès apparaît tout à coup presque cocasse.

Tout va dès lors très vite, de l’élargissement du restaurant avec un bistrot annexe qu’il nommeLa Table d’Élise, en hommage au restaurant hérité de ses parents, suivi de la deuxième étoile obtenue en 2013, jusqu’à l’épisode que Netflix lui dédie en 2016 dans la série culinaire Chef’s Table. Le grand public découvre alors le travail d’Alexandre, son engagement envers son île et l’impact de la marée noire causée par le naufrage du pétrolier Erika en 1999, au large de la Bretagne. De ce drame, Alexandre tirera un plat signature, baptisé « l’Erika » : une huître pochée dans un bouillon de lard de Colonnata et d’encornets, accompagnée de perles du Japon cuites en acidité et d’une pastille de sucre. Le bouillon qui recouvre l’huître est épais, noir de jais comme les 20 000 tonnes de fioul qui se sont échappées du bateau en décembre 1999. Pourtant, cette tâche noire triomphe au centre de l’assiette en porcelaine qui reproduit les courbes de l’eau. Pour le chef, ce plat est un “pied de nez” à l’éventualité d’une nouvelle marée noire. “S’il y a une nouvelle catastrophe naturelle comme celle-ci, ça nous enterre, notre cuisine étant baignée à 100% des coquillages et des produits marins”, expliquait-t-il à l’AFP. Des techniques d’abattage du poisson qu’il a apprises lors de ses voyages au Japon aux liens précieux qu’il entretient avec les poissonniers et producteurs de son île, Alexandre Couillon porte en lui un respect immense pour la faune et la flore de Noirmoutier, qu’il tient à honorer au travers d’assiettes innovantes aux airs de tableaux. Le mulet fumé à la carte est un bon exemple : sa chair fine et blanche reste immaculée grâce à la technique japonaise ancestrale de l’ikejime, qui permet une mort rapide du poisson empêchant le sang de se répandre dans ​​ses fibres musculaires. Après un fumage à la pomme de pin de Noirmoutier, le filet de poisson est dressé sur des arêtes de maquereau. Simple, mais spectaculaire.

Aujourd’hui, le travail et la pugnacité d’Alexandre Couillon se voient récompensés par la certification star dans l’univers de la gastronomie. À l’extrémité de l’île, accessible en bateau ou en voiture, le restaurant La Marine est devenu un lieu de passage quasi obligé en Vendée pour toutes les fines bouches. Une consécration à juste titre pour l’enfant du pays.