Le périphérique parisien vient de fêter son 50e anniversaire. Flânerie pittoresque sous monoxyde.
À l’instar d’un nombre impressionnant de ses concitoyens, J.G. Ballard abandonnait chaque été sa maison de Shepperton en banlieue londonienne, pour filer au volant de sa voiture vers la Costa Brava afin d’y passer des vacances ensoleillées. Sur sa route, il y avait Paris, Ville Lumière, contournée grâce à ce qu’il considérait comme l’une des plus grandes merveilles de l’ère post-industrielle : le périphérique, 35 km d’autoroute à deux fois quatre voies ceinturant la capitale française. Un monument visité par l’écrivain d’anticipation telle une cathédrale par un pèlerin sur le chemin de Fatima : “Vous pouvez faire le tour de Paris si vous le souhaitez et emprunter l’autoroute en direction du Sud sans vous arrêter à un seul feu tricolore, déclarait Ballard lors d’une interview en 1975. Il s’agit d’un énorme complexe d’échangeurs et d’avenues à grande vitesse, à plusieurs niveaux, et les Français semblent conduire de manière beaucoup plus agressive que les gens d’ici. Cela m’a souvent frappé là-bas, si vous étiez bloqué sur l’un de ces remparts à balustrade, vous n’en sortiriez jamais. La circulation semble fluide 24 heures sur 24. Les Français sont impitoyables, ils ne s’arrêtent devant personne. Jésus-Christ lui-même pourrait être crucifié au bord du chemin et personne ne s’arrêterait.” Ce constat fut la source d’inspiration de L’Île de béton, qui raconte comment un automobiliste percute une glissière de sécurité sur le London Orbital, l’autoroute qui ceinture le Grand Londres, et vient s’échouer en contrebas dans un terrain vague encerclé par les voies rapides. Un no man’s land de boue, d’herbes folles et de carcasses de voitures dont il devient, tel un moderne Robinson oublié en marge de la société, le prisonnier.
*Cet article est issu de notre numéro d’Été 2024. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*