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Lisa et Roni en duo au Positive Education Festival 2022 © Positive Education Festival

L’addition électrique LISA + RONI au Positive Education Festival

Par Sirine El Ansari

Dans un duo détonnant, les DJs et productrices Lisa More et RONI partageront leur amour pour la musique électronique ce samedi 12 novembre au Positive Education Festival à Saint-Etienne. Avant leur set, les deux artistes reviennent sur leur rencontre, l’importance de faire la fête hors de Paris et la création de leurs labels. 

L’annonce de ce set à quatre mains – aussi appelé back-to-back ou B2B – sonne comme une évidence quand on connaît les similitudes dans le parcours des DJs Lisa More et RONI. Enfants, elles baignent toutes les deux dans la musique : Lisa apprend à mixer aux côtés de son père DJ et tient son premier set devant un public à l’âge de 11 ans. RONI, elle, est bercée par la radio et la musique anglaise, jusqu’à ce qu’elle vive sa première expérience en club à l’adolescence en compagnie de sa mère. Depuis, les deux jeunes femmes peuvent se vanter d’avoir mixé aux platines des soirées et des radios les plus cotées de la culture underground. Déterminées à faire vivre l’art du DJing, elles ont chacune créé leur label – Tsunami Recordings pour Lisa et Nehza Records pour RONI – et évoluent en tant qu’artistes multidisciplinaires. 

Cette année, Lisa et Roni sont programmées à deux pour la soirée de clôture du festival Positive Education. Du 8 au 12 novembre, le festival investit une dernière fois les décors industriels de l’ancienne manufacture d’armes de Saint-Étienne avant sa rénovation. De la jungle au breakbeat, en passant par l’acid et la house, la programmation éclectique du PEF assure chaque année depuis 2017 la présence de milliers de visiteurs venus des quatre coins de la France et de l’Europe, et ce malgré le statut de petite ville de province dont bénéficie « Sainté ».  

Lisa, RONI, vous partagerez les platines pour cette sixième édition du festival Positive Education à la Cité du design de Saint-Étienne. Vous trouvez ça important de décentraliser la fête ? 

Lisa : Oui ! Je trouve ça dommage que tout se centralise dans les grandes agglomérations, notamment à Paris. Je pense que les autres villes ont un énorme potentiel et offrent des lieux et des scènes musicales diverses, pas très connues, mais avec des artistes calés. C’est vraiment cool ce que Positive Education a réussi à faire à Saint-Etienne.

RONI: Moi ce que j’aime en étant Parisienne, c’est justement d’avoir ce choix et cette liberté d’aller explorer des scènes plus underground ailleurs que dans la capitale. Elles sont plus secrètes aussi, et c’est ce qui m’attire dans la musique. C’est cool qu’il y ait des gens qui prennent ces risques-là, car pour beaucoup de promoteurs, c’est un risque de sortir de Paris. J’aime être surprise, et ce que je retiens quand je pars d’un DJ set, ce sont les découvertes que j’ai faites. Quand je vais en club, je ne ressens pas le besoin d’aller écouter ce que j’ai sur mon Spotify.

Comment en êtes-vous arrivées à mixer à deux ?

Lisa : Pour les huit ans de la radio Rinse, une soirée a été organisée au club Le Sucre à Lyon, où j’ai une résidence. J’ai la chance d’être assez libre dans ma sélection, et j’ai immédiatement pensé à RONI pour une collaboration à deux. On n’avait encore jamais joué ensemble, mais je savais que ça allait marcher. Au début, on voulait préparer notre set : ça s’est soldé par un freestyle total, on s’est vraiment éclatées à mixer ensemble. Antoine Hernandez (co-fondateur du festival) a eu vent de ce back-to-back et nous a proposé de mixer au Positive Education ! 

RONI : J’étais hyper contente que Lisa m’invite. C’était un peu un challenge pour moi car je n’ai pas vraiment l’habitude des back-to-back. À vrai dire, je suis un peu une control freak (rires). Il y a une grosse partie de moi qui éprouve le besoin d’avoir le contrôle total sur ce que je fais. Mais quand Lisa m’a proposé, j’ai tout de suite accepté. On a deux univers différents, mais c’est une association qui peut amener quelque chose d’intéressant et de sur-mesure. Pour le PEF, je sens qu’on va être amenées à repousser nos limites, et je trouve ça très excitant.

Faire fusionner vos deux mondes doit être un challenge important lors d’un set à deux.…

RONI : Il y a des B2B que tu fais avec des gens qui ont exactement les mêmes goûts musicaux que toi, et là c’‘est un peu facile. Je trouve beaucoup plus intéressant de collaborer avec un DJ aux inspirations différentes. On n’a pas forcément la même sélection de titres, mais on s’inspire chacun l’un de l’autre au fur et à mesure du set. 

Lisa : Oui, c’est super enrichissant. Les techniques aussi diffèrent d’un DJ à un autre. C’est du partage à 100 % ! 

RONI : Ca peut prendre des directions complètement différentes, on surenchérit sans se marcher dessus. Nos musiques se croisent d’une manière inattendue et complémentaire.

Vous êtes chacune à la tête d’un label indépendant : Nehza Records (RONI) et Tsunami Recordings (Lisa). Parlez-moi un peu de leur conception. 

Lisa : Avec le confinement en 2020, beaucoup de gens se sont mis à créer leur label : il fallait bien trouver quelque chose pour continuer de promouvoir la musique underground. Pour moi en tout cas, c’est comme ça que l’idée m’est venue. Les petits labels indépendants laissent plus d’espace aux artistes pour réaliser leurs musiques, sans qu’ils deviennent dépendants des majors pour créer du son. Pour la confiance en soi des petits artistes, l’existence des labels indépendants est vraiment importante. 

RONI : J’ai toujours adoré faire de la curation. J’ai grandi avec la radio, que j’adore parce que derrière il y a ce travail de recherche pour faire découvrir des choses pas forcément mainstream à l’auditeur. Créer un label, c’était une manière pour moi de révéler au monde des choses qu’on n’a pas l’habitude d’écouter. La musique électronique aujourd’hui est extrêmement riche, et elle mélange plein de styles différents de manière inattendue. Ce que je trouve cool c’est que, même si la mode change, les labels indépendants maintiennent vivants les courants musicaux. 

Qu’est-ce qui vous donne chacune envie de travailler avec un ou une DJ, et de le prendre sous votre aile ?

Lisa : En plus de la musique qu’ils produisent et que j’estime être de qualité, c’est souvent l’énergie qui entoure un artiste qui m’attire et me donne envie d’explorer son travail. J’ai l’habitude d’organiser des événements, et c’est le même processus qu’une programmation de soirée : souvent, c’est des claques que je prends en soirée ou sur Soundcloud. Dans mes choix de DJ, j’aime être éclectique et compiler des ambiances différentes. 


RONI : J’aime choisir des artistes qui ne sont pas encore signés, qui n’ont pas été trop vus. J’ai envie d’endosser ce rôle-là et de les aider à leurs débuts de carrière. C’est souvent des gens que je ne connais pas, et le contact se fait sur Internet. Je privilégie l’exclusivité du contenu, et j’aime bien que quelque chose naisse à la suite d’une rencontre, même si elle est virtuelle. 

Quelle importance donnez-vous à l’esthétique qui entoure votre travail et votre personne ? 

Lisa : J’adore ça ! Avant de me consacrer à la musique, j’étais graphiste. Le dessin, les jeux vidéo et la science-fiction sont des choses qui m’obsèdent depuis longtemps.  Sur Instagram, je me mets souvent en scène dans des univers de science-fiction. Ces délires là que je me tape sur Photoshop me permettent de tisser un lien entre le graphisme et la musique. C’est souvent des visuels très fantastiques, qui me permettent d’illustrer ce que la musique me fait ressentir. 

RONI : Je viens plutôt de l’univers de la mode, j’ai donc une sensibilité à l’image et cette partie-là m’amuse beaucoup. Quand tu te lances en tant qu’artiste, tu dois communiquer une certaine image. Avec la création du label, j’étais un peu perdue car il existe tellement d’esthétiques différentes… À ce même moment, je ressentais beaucoup d’écoanxiété, et l’esthétique autour de la nature s’est imposée naturellement. C’est important que les gens comprennent ce que tu fais à travers les images.


Est-ce que vous vous rappelez de votre premier set ?

Lisa : Moi j’avais 11 ans (rires). Mon père était DJ et m’a appris à mixer dès mon plus jeune âge. Pour le mariage de sa meilleure amie, il m’a laissée aux platines pendant trois heures. C’était sur vinyles, et du haut de mes 11 ans, ma technique m’a permis de passer principalement que du Mylène Farmer et du Indochine. À ce moment-là, c’était assez naturel, mais je n’’avais pas du tout imaginé que j’allais vraiment le faire plus tard.

RONI : Mon premier set était à la Panic Room dans le XIe arrondissement de Paris. Une copine qui m’avait appris à mixer m’a invitée le temps d’une soirée. À cette époque, j’étais en plein burn-out à cause de mon ancien boulot, et j’étais l’ombre de moi-même. La musique était la chose la plus importante pour moi, et j’ai pu matérialiser un fantasme de longue date ce jour-là. Il y avait peut-être huit personnes dans ce sous-sol, mais c’était énorme pour moi. 

C’est quoi la prochaine étape pour vous les filles ?

Lisa : J’ai plein de petits projets en cours, mais je peux te parler du plus gros : mon album Cyborg Tears sortira le 3 février, et trois singles sont à prévoir d’ici là. Le premier single est prévu pour le 16 décembre. Et l’année prochaine, je ferai mon premier live autour de ce projet. J’ai hâte. 

RONI : J’ai sorti mon premier single Earth Call au mois d’octobre, et là je me concentre sur les  projets du label pour l’année 2023 : une compilation se prépare et Lisa va en faire partie. Je travaille aussi sur trois autres EP ainsi que sur une collab avec un label portugais dont je dois encore garder le nom secret…


Vous croyez en la loi de l’attraction ? Si oui, quel est le festival ou la scène que vous rêveriez de faire ? On peut manifester ce souhait maintenant en immortalisant vos paroles, ce sera écrit noir sur blanc sur notre site. 

RONI : J’ai été au Berghain à Berlin le week-end dernier et forcément, en tant que DJ, c’est mon rêve de me dire qu’un jour je jouerai au Panorama Bar (situé à l’étage supérieur du célèbre club berlinois, ndlr). J’aimerais aussi beaucoup, beaucoup mixer au festival électro Dekmantel à Amsterdam.

Lisa : Je suis assez d’accord avec ces réponses.

Vous les ferez en back-to-back aussi, peut-être ?

Lisa & RONI : (rires) Allez, pourquoi pas !