Poussés par leur ego, leur sentimentalité ou une certaine idée du pouvoir, les dictateurs ont eux aussi titillé la muse. Pour le pire… comme pour le meilleur.
Années 60 après Jésus-Christ, Rome. L’empereur Néron, vêtu d’une robe de citharède, offre au public ses poèmes et ses chants. Les spectateurs semblent subjugués. En vérité, ils ont interdiction de quitter le théâtre. Certains, épuisés d’applaudir, escaladent secrètement les murs ou feignent d’être morts pour être portés au dehors. Des femmes accouchent durant ces performances.
Vespasien, successeur de Néron, se fait exclure de l’entourage proche de l’empereur pour s’être endormi durant l’une de ses prouesses lyriques. L’imperator, auteur de nombreux vers (perdus aujourd’hui) et de ces derniers mots “Quel artiste meurt avec moi!” (Quales artifex pereo), ne tolérait ni l’ennui, ni l’indifférence, nila moquerie. Capable de déclamer la chute de Troie sur la plus haute terrasse du Palatin devant la ville en flammes, Néron voulut aussi baptiser Rome “Neropolis”, appela “Néronien” le mois d’avril, se fit offrir tous les trophées des joutes oratoires panhelléniques, incarnant le parfait tyran hyperbolique.
Et l’Irak devint un guide (guide de cara-vanes) pour ses voisins dans l’obscurité.” Toujours à la même époque, fin des années 1990, Turkménistan. Saparmurat Niyazov, “Turkmenbashi” (père des Turkmènes autoproclamé après la dislocation de l’URSS, gagne à être connu et reconnu pour ses envolées lyriques qui débordèrent, là aussi, sur son exercice du pouvoir. Après avoir renommé des villes, des mois et des jours en l’honneur de son livre, le Ruhnama (littéralement “Livre de l’âme”), il suivit l’exegi monu-mentum cher à Horace et fit ériger un cénotaphe à sa bible, au cœur de la capi-tale, Achgabat.
*Cet article est issu de notre numéro d’été 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*