Arrivée à la céramique presque par accident, Héloïse Rival chérit l’imprévu, le laissant même guider son art. Actuellement exposée à la Galerie Prima, l’artiste brouille les pistes entre art et artisanat, technique et naïveté, et déploie dans la terre toutes les inspirations qui l’animent. De l’histoire du monde aux motifs de son papier peint, Héloïse Rival ne hiérarchise pas, ne se laissant porter que par une seule chose : la beauté. Rencontre avec une esthète à la maladresse assumée.
Tu as fait des études dans l’imprimerie et aujourd’hui, tu t’illustres dans la céramique. Comment en es-tu venue à travailler ce médium ?
J’avais été invitée à une exposition à Bruxelles. Je venais d’accoucher et je voulais explorer la question du cadre. J’avais donc réalisé une série de cadres en peinture, en céramique et en sérigraphie. Ce furent mes premières pièces en céramique. Depuis, je n’ai jamais arrêté. Ça a été une révélation : j’ai trouvé une sorte d’infini dans cette pratique.
Une révélation ?
C’est compliqué à expliquer. Il y a une forme de magie addictive, parce qu’on a toujours la surprise de découvrir l’œuvre une fois sortie du four. Les couleurs appliquées avant la cuisson ne sont jamais exactement les mêmes après. C’est un processus fascinant, et j’ai du mal à expliquer pourquoi, mais dans la céramique, mon inspiration semble inépuisable.
Justement, quelles sont tes influences ?
Elles ne sont pas figées. C’est une accumulation de références visuelles, souvent issues du quotidien : des motifs de mon papier peint, de ma maison de campagne… Il n’y a pas une source d’inspiration unique. La céramique, c’est aussi le sud, le Mexique, un art pratiqué depuis toujours, où chacun peut y voir des références différentes.
Malgré tout, y a-t-il des choses qui t’inspirent plus que d’autres ?
Quand je crée une pièce, la référence est souvent plus interne. C’est une forme d’urgence expressive, un besoin de traduire un état ou une étape. Je ne cherche pas une valeur esthétique particulière, mais plutôt une valeur émotionnelle.
On oppose souvent artisanat, art décoratif et art visuel. Ton travail semble se situer à la frontière entre ces univers…
Je suis fascinée par l’artisanat. Un jour, j’ai vu un documentaire sur la reconstruction du château de Chambord, où l’on montrait toutes ces techniques anciennes : le plâtre, la sculpture… Je trouve ça passionnant. J’aime assumer cette dimension artisanale et esthétique. J’ai envie que mon travail soit beau, qu’il séduise.
Donc, pour toi, ce n’est pas un problème si l’on classe ton travail dans l’artisanat ?
Non, pas du tout. D’ailleurs, mes œuvres s’intègrent dans la décoration intérieure, dans l’architecture. Cela rend l’art plus accessible, plus présent au quotidien.
Peux-tu me parler de ton processus de travail ?
Tout commence par la construction du support. Pour les grandes pièces, cela flirte un peu avec la sculpture, car je façonne la forme avant de la modeler. Ensuite, vient la partie dessin, gravé dans la terre, qui apporte un aspect “gravure-dessin”. Enfin, la dernière étape est la peinture, où je recherche les couleurs et la composition finale.
Dans la céramique, les couleurs sont souvent très vives après cuisson, mais tes teintes restent douces. Comment parviens-tu à cet effet ?
C’est un équilibre subtil. Il existe une multitude d’émaux, et il faut trouver la justesse entre le mat et le brillant, en intégrant la terre elle-même comme une couleur et une texture. Trop d’émail brillant peut vite devenir écœurant, donc je cherche à atteindre une certaine harmonie.
Peux-tu me parler de ton goût pour l’imparfait ?
La maladresse, c’est là où l’on rencontre l’artiste. C’est dans l’accident, l’erreur, qu’il devient intéressant, comme dans la vie. On rencontre vraiment quelqu’un quand il se montre maladroit. J’ai assumé cette imperfection dans mon travail. Ma technicité n’est pas parfaite, et ne le sera peut-être jamais, mais c’est ce qui m’a permis d’explorer des choses inédites. En acceptant cette part d’imprévu, je peux créer à l’infini.
Tu es actuellement exposée à la Galerie Prima. Peux-tu me parler de cette exposition et de ta frise ?
L’exposition s’intitule Garde-fou, fou de grâce. Pour cette frise, je ne voulais pas d’œuvres isolées. Chaque élément s’enchaîne et donne naissance au suivant. On peut intervertir les pièces, elles resteront toujours liées entre elles. C’est une métaphore de la vie : chaque fin annonce un nouveau départ et peut devenir le terreau de choses merveilleuses. Rien ne s’arrête jamais vraiment. Peut-être qu’on se réincarnera en écureuil ou en caillou (rires) !
Galerie Prima
13 rue Notre Dame de Nazareth 75003 Paris
Ouverture du mardi au samedi de 11H00 – 13H00 à 14H00 – 19H00
https://www.instagram.com/galerie.prima/
Exposition d’Héloïse Rival
GARDE FOU (FOU DE GRÂCE)
31 janvier – 1er mars