Au commencement, le temps était silencieux, mais il avait déjà laissé ses traces. Brieuc et Larissa les recueillent : lui lit le passé comme un plan ancien, elle relie souvenirs et imagination. Sept élixirs historiques prennent forme entre leurs mains, façonnés par les nez : Sidonie Lancesseur, Marc-Antoine Corticchiato, Karine Vinchon-Spehner. ānti n’invente rien : il fait renaître ce qui s’est perdu, rend tangible l’invisible et relie hier à aujourd’hui. Les siècles attendent, discrets, prêts à être réveillés et mis en flacon..
BAST (2000 av. JC)
La prêtresse de Bubastis
Le sable est chaud sous ses pieds, le soleil brûle sur les colonnes du temple. Une prêtresse avance, pieds nus, dans la lumière éclatante. Sa démarche est calme et assurée, chaque mouvement semble dialoguer avec la pierre et le vent. L’air distille l’encens et la myrrhe, la cardamome pique les narines, le safran adoucit la peau. Dans ses mains, un flacon d’or. Elle incline le poignet : un geste d’offrande, simple et sacré. Les volutes épicées s’enroulent autour de ses doigts comme une prière murmurée aux dieux. Les pierres et le sable retiennent cette odeur, comme un secret que seul le temple connaît. Quand elle s’éloigne, le sable garde l’empreinte de ses pas, effleurée par le parfum qui plane autour des colonnes.
ROSA ANTIQUA (79 ap. JC)
Plinius le Jeune
Depuis sa villa, Plinius observe Pompéi s’éveiller sous un ciel rougeoyant. Le jardin porte la rose de Damas, mêlée à l’huile d’olive, qui laisse une douceur sur la peau. Le cassis éclate, fugace, souvenir interdit. Plinius est contemplatif et précis, chaque regard attentif aux moindres détails. Le cashmeran se mêle à la fumée du Vésuve, formant un voile discret. La cité brûlera bientôt, mais ce matin reste intact : fragile, suspendu, presque secret.
NASHI TORO (86 ap. JC)
La reine chamane Himiko
Sous la pluie fine, Himiko médite parmi les rizières. Le bois Hinoki humide diffuse ses tons terreux, la poire Nashi craque, sucrée et fragile. Le poivre noir fend la brume, l’iris et l’ambrette s’effacent lentement, tandis que mousse et musc déposent leur fraîcheur. Himiko est silencieuse et ancrée, chaque respiration reliée à la terre et aux ancêtres. Chaque note devient un fil de mémoire. Quand la pluie s’éclaircit, le parfum reste, discret et profond, comme un voile du passé.
ANTINOÜS (129 ap. JC)
Antinoüs
Sur le Nil, il flotte, jeune et parfait. Le cumin et la sauge montent dans l’air chaud, tandis que la peau salée accueille le blé, le vétiver et le santal. Antinoüs est lumineux et fragile, incarnation du mystère et de la grâce. Son reflet tremble sur l’eau. Le parfum devient mythe et matière, reliant visible et invisible. Une présence délicate persiste dans le courant, comme un murmure d’éternité.
PAURA DELL’ ACQUA (1572)
Veronica Franco
Venise se réveille . Veronica Franco traverse les canaux, le jasmin, la tubéreuse et la rose effleurent ses manches de brocart. La mandarine et le gingembre pétillent, un voile chaud d’ambre et de tonka se pose sur la peau. Elle est vive et libre, jouant des regards et des mots avec l’assurance de ceux qu’on écoute. Le parfum suit son passage et suspend le temps. Quand elle disparaît, il reste dans l’air un voile lumineux, fragile et envoûtant.
LE JARDINIER (1772)
André Thouin
Au Petit Trianon, l’aube effleure le jardin. André Thouin observe les fleurs, magnolias et chèvrefeuille mêlés à l’ortie et au galbanum. Les lys trempent encore dans les seaux de champagne, vestiges d’une nuit de fête. Il est sensible et attentif, chaque détail du matin le touche. Les notes vertes et florales traversent l’air, fraîches et tendres. La brume se mêle aux fleurs froissées, et le jardin respire, vivant et éphémère.
DUKES CARPET (1953)
Ian Fleming
Dukes Carpet, Londres, club aux lumières tamisées. Un Dry Martini claque contre le comptoir : gin, vermouth, cardamome, gingembre. La fumée de cèdre monte en spirales. Fleming est observateur et méticuleux, chaque détail devient matière à intrigue. Bois, baies rouges, verre glacé et moquette dense se mêlent, créant un instant suspendu où désir et secret se confondent. Le temps s’arrête, capturé dans un parfum précis et tangible.
Aujourd’hui, les siècles se rejoignent dans un flacon unique, gardant les souvenirs que personne n’a oubliés. ānti n’invente rien : il fait renaître le passé, le rend tangible, et préserve ce qui semblait fragile. Des fragments d’éternité distillés, mis en flacon pour durer.