Empereurs, rois, sultans et maharadjahs, ils ont tous collectionné pierres précieuses et bijoux uniques, reflets pour certains d’une politique assumée du paraître et, pour d’autres, d’un goût infiniment exquis. Mais tous possédaient ce même amour du beau chevillé au corps.
Ces passionnés ont marqué l’histoire et nombre de légendes leur sont associées, de la France à l’Inde, de la Saxe à la Turquie. L’un des plus grands collectionneurs documentés fut sans doute l’empereur moghol Jahângir (1569-1627) qui, non content de posséder des malles regorgeant de perles, de jades et de gemmes uniques, avait plaisir à porter au quotidien des pierres de la plus belle eau. Bien connue au-delà des frontières, cette inclination inspira aux potentats voisins des cadeaux à la hauteur de sa renommée. Ainsi, le shah Abbas I, cinquième souverain de la dynastie persane des safavides, lui fit présent en 1612 d’un spinelle géant, connu sous le nom de “rubis de Timur”. Cette pierre de 352 carats sur laquelle Jahângîr fit graver son nom comme celui de son père, afin de passer à tout jamais à la postérité, fut offerte par la Compagnie des Indes orientales à la reine Victoria en 1851. Elle dort toujours dans une des chambres fortes de Buckingham. De son père Akbar, Jahângir hérita d’un diamant de 116 carats qu’il fit également graver en hommage à la figure paternelle, autre grand empereur de la dynastie moghole. Enfin, Jacques de Coutre, marchand flamand de son état, compare le souverain à une idole tant il étincelait de pierres précieuses quand il accordait ses audiences. Jahângir partageait aussi volontiers avec les siens, donnant à son fils Shah Jahan un diamant table de 56 carats.
La pierre qui prit bientôt le nom de son nouveau propriétaire provenait des mythiques mines de Golconde. Aujourd’huiexposée au Musée national du Koweit, cette amulette poussa sans doute Shah Jahan à imiter son père et à collectionner sans limites. Celui qui dirigea l’Empire moghol de 1627 à 1658 et dont le nom signi-fait en persan “roi du monde” possédait lui aussi quelques “colifichets” d’anthologie comme un autre diamant table de 88,71 carats d’une pureté remarquable, hérité de son grand-père Akbar. Un prince iranien le présenta au tsar Nicolas Ier de Russie en 1821. Dès lors, il fait partie des collections du Kremlin. Shah Jahan disposait également d’un impressionnant ensemble de spinelles dont nombre furent gravées de son nom ou de versets du Coran.
Mais l’un des diamants les plus touchants de sa collection est sans doute celui que Shah Jahan offrit à son épouse favorite Mumtaz, pour laquelle il fit construire le tombeau le plus célèbre au monde: le Taj Mahal. Gravé d’une inscription en persan signifiant “L’amour est éternel”, la pierre en forme de cœur fut offerte par Richard Burton à Elizabeth Taylor pour son quarantième anniversaire !
LE TRÉSOR DES SHAHS DE PERSE
Mais quand Nader Shah, surnommé le Napoléon persan, envahit et pille l’Inde, les trésors moghols rallient bientôt la Perse. Parmi eux, le Koh-i-Noor, un diamant de 105,602 carats qui, après être passé en 1814 entre les mains de Ranjit Singh, fondateur de l’empire sikh, est confisqué par les Britanniques trente-cinqans plus tard et envoyé à Londres pour la reine Victoria. Si ses prédécesseurs ont commencé l’impressionnante collection qui s’égrène de nos jours au fil des salles de la Banque nationale à Téhéran, Nader Shah y contribua sans doute plus que tout autre. Ainsi, il ramena le Darya-i-Nur (ou “Mer de lumière”), une pierre rosée d’une limpidité magique estimée entre 175 et 195 carats. Des coffres débordant d’émeraudes de plus de 100 carats, d’autres remplis de perles fines, des diamants comme des œufs de poule, des couronnes, des diadèmes, des colliers, des sarpechs, des armes, un globe terrestre de 35 kilos d’or incrusté de 51000 pierres précieuses, l’ensemble qui sert de fonds de garantie à la monnaie iranienne forme sans doute le trésor le plus fastueux de la planète.
Héritiers directs de ce luxe ostentatoire, les maharadjahs de l’ère moderne rivalisent de magnificence et font les beaux jours des grands joailliers de leur pays mais aussi de ceux de la place Vendôme qui voient débarquer des cargaisons entières de pierres non montées qui vont bientôt intégrer de nouvelles parures. Le grand collier en diamants du maharadjah de Patiala accumule les carats à tel point que le bijou réalisé par Cartier en 1925 est évalué à l’époque à 210 milliards de roupies.
*Cet article est issu de notre numéro d’automne 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*