Alpiniste précoce, Alasdair McKennzie revendique déjà 14 sommets de plus de 8000 mètres à son actif, à tout juste 20 ans. Passionné de montagnes et de nature extrême, ce natif de Lorient, s’est donné pour mission de repousser les limites de l’ascension, ce qui le place en bonne position pour être l’un des prochains plus grands aventuriers de l’hexagone.
Son prénom commence par la première lettre de l’alphabet, et si l’on y regarde d’un peu plus près, le A majuscule de ce dernier pourrait évoquer une montagne coiffée d’un sommet enneigé. Hasard ou coïncidence, c’est bien de monts et de neige dont il est question quand on rencontre le phénomène Alasdair. À un âge où certains passent leur bac ou leur permis de conduire, il s’est fixé comme objectif de venir à bout des montagnes les plus hautes du monde. Entre ses 17 et 20 ans, il a donc gravi Shishapanga (8027m), Cho Oyu (8188), l’Annapurna 1(8091m), l’Everest (8848m), Kanchenjunga (8586m), Nanga Parbat (8126m), Casherbrum I et II (8080m, 8035m), Braod Peak (8051m), K2 (8611m), Manaslu (8163m), Dhaulagiri (8167m), Lhotse (8516m) et Makalu (8485m), toutes situées dans l’Himalaya. Alors que ces sommets mythiques, représentent l’aboutissement d’une vie pour la plupart les alpinistes, Alasdair les considère comme de simples étapes d’un parcours aventurier commencé 20 ans plus tôt sur les côtes bretonnes. « J’ai vécu jusqu’à mes 9 ans à Lorient, mais la mer ne m’attirait pas comme la montagne. C’était sympa d’y aller, mais la montagne avait un plus. Je voulais absolument évoluer dans cet environnement. Mes parents adoraient aussi, alors toute la famille a pris la décision de s’installer à Chamonix, où nous avons vécu quelques années avant de déménager pour Tignes depuis maintenant 8 ans » se remémore Alasdair.
LE SKI AVANT L’ALPINISME
Breton par sa mère et écossais par son père, Alasdair apprivoise donc très tôt les montagnes et s’initie d’abord aux joies du ski qu’il pratique intensivement, au point de se rapprocher du professionnalisme « ma trajectoire a commencé via le ski alpin. Je faisais des compétitons de descentes niveau pré Coupe d’Europe. Mais en Fis (Fédération Internationale de Ski) on est toujours à l’étranger. On court après les compétitions et les entraînements ». Estimant que cette vie de compétiteur ne lui donnait plus le temps d’apprécier et de pratiquer la montagne comme il l’entendait, il décide d’arrêter le ski de compétition afin de se concentrer sur l’alpinisme. Un choix qui résume assez bien sa passion sans limite pour les monts enneigés. « La montagne m’a toujours fasciné » confie Alasdair « parce que c’est un endroit unique. C’est tellement plus grand que nous qu’on a tout simplement envie d’y grimper. Et puis la montagne te permet de tester tes limites personnelles. Cet environnement a de tout temps captivé les hommes. Depuis que l’alpinisme existe, nombreux sont ceux qui ont eu envie d’affronter les montagnes, toujours plus loin, toujours plus haut ». Alors qu’une carrière de skieur professionnel lui tendait les bras, il se consacre donc à l’alpinisme sans savoir où cette discipline pourra bien l’amener. Il a cependant un rêve, qu’il ne tarde pas à concrétiser en mettant sur pied une expédition pour gravir les plus hauts sommets du monde. Les mauvaises langues diront qu’un projet de cette envergure est forcément réservé à ceux qui bénéficient d’une assise financière. Si Alasdair ne sort pas du ruisseau, il ne roule pas non plus sur l’or, et un projet comme le sien coûte de toute manière tellement d’argent qu’il ne peut pas se concrétiser avec de simples ressources personnelles. En ce qui le concerne, ses parents lui ont toujours fourni une aide technique ou logistique mais jamais financière, et cela pour une raison simple : s’il lui arrivait quelque chose en montagne, il ne voudrait pas que sa famille culpabilise de lui en avoir donné les moyens. Ses expéditions sont donc financées par des sponsors qu’il va chercher lui-même, malgré une dyslexie qui lui joue parfois des tours, et un jeune âge qui pourrait s’avérer handicapant. « La jeunesse peut être un atout mais aussi un inconvénient » confie Alasdair « tout le monde peut te juger par rapport à ce dernier. C’était le cas quand j’ai commencé l’alpinisme. On ne savait très pas bien ce que j’allais faire en montagne. Maintenant c’est devenu une force, notamment pour les à côté. Mon âge m’a notamment permis de récolter des fonds. Je ne me voyais pas prendre une vie entière pour accomplir ce projet, je voulais le faire en un temps record. L’idée c’était aussi de montrer aux jeunes de mon âge qu’il était possible d’accomplir des choses quand on croyait à ses rêves. De leur dire – si moi j’ai réussi alors que tout le monde pensait que c’était impossible. Pourquoi pas vous ? – Il était très important de mettre cet aspect en lumière, car de nos jours, beaucoup de jeunes abandonnent leurs rêves d’enfance. Moi je me définis avant tout comme un rêveur. J’ai rêvé ce projet et je l’ai réalisé. Je suis un alpiniste stage rêveur »
UNE AVENTURE COLLECTIVE
C’est sur les hauteurs de l’Himalaya que les rêves d’ascensions d’Alasdaire se concrétisent, mais avant cela, il lui aura fallu maîtriser la montagne par palier. « J’ai fait pas mal de 4000 mètres dans les Alpes avec un gros entrainement derrière. Puis j’ai eu l’opportunité de m’attaquer à des 6000, 7000 mètres. Je suis allé en expédition au Népal, et je suis tombé amoureux du pays dont j’appréciais énormément le fonctionnement. La suite logique c’était d’aller titiller les 8000 mètres » explique le jeune alpiniste. Pour ce faire, outre la recherche de fonds, Alasdair organise la logistique et recrute une équipe de sherpas. Rouage essentiel de toutes les ascensions, ces derniers sont les hommes de l’ombre des exploits de tous les alpinistes européens. Certains alpinistes les considèrent comme de simples employés, mais Alasdair a pour sa part une tout autre vision d’eux. « Au début de mes expéditions, les sherpas et moi on ne se connaît pas. On affronte la montagne ensemble et on apprend à se connaitre pendant l’expédition. Au fil du temps, on finit par devenir des amis, car la montagne c’est du partage. Beaucoup de gens te diront qu’une ascension est très solo, mais quand on grimpe on est en équipe. Lorsque on a gravi Cho Oyu, on était 7, moi et 6 sherpas. Sur une ouverture de route c’est 100% du partage. Même si au départ on ne se connait pas tous très bien, à force d’être ensemble et de porter des charges lourdes, on devient une famille. Je suis d’ailleurs toujours en contact avec les sherpas et je vais régulièrement les voir à Katmandou. Je ne pourrais pas faire d’ascension seul ». Paradis des grimpeurs l’Himalaya est aussi l’objet de certaines dérives, car victime de succès. Outre une forte affluence, qui provoque parfois des queues sur certaines portions de montagnes, la chaîne montagneuse est régulièrement polluée. « Il y a beaucoup de conséquences à cette surpopulation » explique Alasdaire qui milite pour une prise de conscience écologique « mais il y a aussi, et heureusement de bons aspects. Cela aide notamment financièrement les vallées car tous les sherpas vont pouvoir travailler, tout comme les porteurs ou les Yaks ».
LA MONTAGNE DE TOUS LES DANGERS
Quand on écoute Alasdaire parler de montagnes et d’ascensions, on aurait presque tendance à croire qu’elles sont sans danger. Il n’en est rien, et beaucoup d’alpinistes n’en prennent conscience qu’une fois engagés dans des aventures où ils risquent leur vie. Si l’Himalaya regorge d’exploits et de montées mythiques, il compte aussi son cortège de drames et de morts accidentelles. Le froid, le manque d’oxygène (qui réduisent les capacités de réflexion) ainsi qu’une mauvaise connaissance du terrain ou de la météo, peuvent être fatal. « L’alpinisme c’est un des seuls sports où une fois arrivé au somment on va se féliciter à moitié. Il y a en effet toute la redescente à effectuer derrière, et c’est de loin la partie la plus dangereuse, c’est là où il y a le plus d’accidents en montagne. On est fatigués et en même temps tellement euphorique d’avoir été au sommet, qu’on peut être inattentif à certains événements. J’ai gravi des sommets où on ne dormait pas du tout, en marchant pendant 14 heures d’affilées. Sur tous les sommets, je suis excité comme pas possible, mais on doit être en mesure de se canaliser pour être le plus lucide possible dans le durée » explique Alasdair. Outre ces aspects, le jeune alpiniste met aussi en garde contre le manque de préparation, un phénomène désormais récurent en Himalaya, où nombreux sont ceux qui veulent se payer la « bête », sans l’effort d’une préparation conséquente. Alasdair tient lui à rappeler que l’alpinisme de haut niveau n’est pas qu’une question de « marche forcée » avec doudoune et sac à dos. « On ne peut pas gravir ces montagnes sans entrainement. Je fais pour ma part deux entrainements par jour. Cardio le matin (ski, randonnée, course à pied, vélo) et renforcement musculaire l’après-midi, avec parfois une séance d’escalade ou un sport collectif. J’alterne cette partie sportive avec la recherche de sponsors qui se fait en soirée. Il faut des sacrifices, comme dans tous les sports de compétitions. Il y a énormément de gens qui veulent faire des ascensions sans entraînement. La première semaine, ils vont s’attaquer à l’Everest, qui est le plus haut sommet du monde » confie effaré Alasdair, avant de poursuivre « heureusement, il y a désormais une prise de conscience qu’il faut accomplir des paliers. Au final, il faut savoir que ce n’est pas tant le sommet qui importe dans une ascension, mais tout ce qu’il y a derrière. C’est là qu’on prend un maximum de plaisir ». Après plus de 8 mois passés dans les montagnes entre le Népal et le Pakistan, le plaisir immédiat d’Alasdair est désormais de profiter de sa famille. Savourer des choses simples devient un luxe en altitude, « ça fait toujours bizarre de revenir dans un hôtel où l’on peut se doucher quand on veut et où on n’a pas continuellement froid » confesse-t-il. Connaissant cependant le tempérament du jeune aventurier, il y a fort à parier qu’il ne devrait pas s’acclimater trop longtemps au confort de notre société moderne et aseptisée. Pour lui, la vérité est ailleurs, toujours plus loin, toujours plus haut « il y a tellement de choses à faire, que ce soit à la montagne ou dans d’autres sports, et puis le monde est tellement grand » conclue-t-il.