Jusqu’au 9 février 2025, la Gaîté Lyrique accueille quinze artistes qui s’affranchissent des regards genrés de notre société avec l’exposition Trans*galactique. Bienvenue à l’ère du transgaze.
Dans la salle la plus intimiste du centre d’art dédié aux cultures post-internet, les contours d’un nouveau point de vue se dessinent. Finies les représentations genrées, biaisées par le patriarcat : le monde de demain sera pluriel, non-binaire et source d’émancipation – n’en déplaise aux réacs. À l’origine de ce projet libérateur ? Un numéro spécial édité en 2020 par la revue The Eyes et conçu par l’artiste visuel SMITH et la performeuse et commissaire d’exposition Nadège Piton. Aidés par Frank Lamy (commissaire d’exposition, performeur et DJ) et Balthazar Heisch (artiste), les deux membres de Superpartners ont invité quinze artistes concerné·e·s par le sujet à investir les murs de la Gaîté. Et cela ne fait aucun doute : quand les protagonistes prennent la parole, l’histoire ne peut être que parfaitement racontée.
Un corps aux multiples facettes
Dans cette exposition d’images-manifestes, celles et ceux qui s’identifient comme trans ne sont ni objectifié·e·s, ni fétichisé·e·s, mais bien en charge de leur propre narration. Et il était temps. Alors que les crimes et délits anti-LGBTI+ ont augmenté de 13 % en 2023, la Gaîté Lyrique offre une safe place bienvenue à ceux et celles qui souhaitent s’exprimer sans dire un mot, que ce soit à travers la photographie ou la vidéo. Éminemment contemporaine dans son propos, mais aussi dans les médiums employés, Transgalactique* fait dialoguer les corps, qui proposent une vision queer d’un monde encore largement hétéronormé. Ici plus qu’ailleurs, esthétique rime avec politique, et les images de Zanele Muholi, qui ouvrent le parcours, ne nous contrediront pas. En mettant en lumière la communauté queer en Afrique du Sud, où elle est particulièrement invisibilisée, l’artiste proclame haut et fort : « Nous existons, et nous ne cesserons pas d’exister. »Partout, les corps imposent leur présence vibrante : des silhouettes qui s’aiment dans la campagne Act-UP Paris de SMITH, à l’humour et à l’activisme dans les mises en scène de soi de Kama La Mackerel, ou encore dans les autoportraits morcelés de Balthazar Heisch… Les membres s’activent, se meuvent et évoluent au sein d’une société qui change, mais à son rythme.
La tendresse de l’intimité
Car si la société évolue lentement, c’est notamment grâce aux travaux et à l’engagement de ces plasticiens qu’elle opère peu à peu sa mutation. Icône de la scène queer madrilène post-franquiste, actrice, artiste et autrice, Roberta Marrero critique avec brio les pensées fascistes et la misogynie gangrenant le monde, dans une esthétique mêlant pop et punk. De son côté, Darko de la Jaquette ironise sur une société encore peu acquise à sa cause, tout en nous touchant grâce à des photographies empreintes d’intimité. Quant à Laurence Philomène, elle nous invite à revisiter l’Histoire de l’Art à travers ses inspirations préraphaélites, tout en documentant avec délicatesse les défis d’un parcours de transition.
La tendresse, justement, est sans doute le mot qui résume le mieux cette exposition. Même lorsqu’il s’agit de documenter les traumatismes vécus par les personnes issues de la communauté LGBTQIAPN+, le duo Gal & Masina s’attache à le faire avec douceur, sans jamais représenter explicitement la violence et la douleur que subissent les personnes queer. Ce travail cathartique se retrouve aussi dans les films de Sébastien Lifshitz, qui s’emploie à construire une archive de la mémoire collective de la communauté. Véritable baume sur des blessures encore ouvertes, Transgalactique* tente de réparer, voire de soigner. Certes, un événement culturel unique ne suffira pas à changer le monde, mais celui-ci a au moins le mérite d’agir comme un écrin chaleureux et optimiste où chaque voix est recueillie, respectée et valorisée. Une sorte de câlin à l’âme qu’on aimerait recevoir encore et encore.