Taiseuse, l’horlogerie suisse révèle rarement les designers qui donnent vie à ses montres iconiques. Mais trois personnalités ont, en deux générations, atomisé cette culture du secret.

Grâce à quoi une montre traverse-t-elle les décennies? Grâce à celui qui la crée, et à celui qui la porte. Sauf que ce raccourci dissimule le coup de crayon originel de toute montre, celui de son designer. En un siècle d’horlogerie moderne – depuis que la montre se porte au poignet -, le nombre de designers horlogers connus du grand public est quasi nul. Sauf trois, à l’origine des plus grands modèles du xxe siècle.

EL MAESTRO GENTA
Le premier est Gérald Genta (1931-2011). L’homme sort du lot pour deux raisons. D’abord, le caractère particulièrement prolixe de son œuvre. Genta a esquissé les contours de milliers de montres. Doté d’un flair hors norme pour sentir les tendances de son époque, principalement les années 1970 et 1980, il a littéralement inventé une nouvelle catégorie de montres: le sport-chic. Il en a posé les contours avec plusieurs créations qui ont bouleversé le lan-derneau horloger. Parmi elles, la Royal Oak d’Audemars Piguet, la Nautilus de Patek Philippe et l’Ingenieur d’TWC Schafihausen.
Ces trois pièces suivent un même fil conducteur: introduire au sein de la préciosité horlogère un brin de rudesse, de technique apparente, de caractère fonctionnel assumé. En somme, quitter le territoire de la noblesse bourgeoise pour y insuffler un esprit bad boy avant l’heure. Genta ose ce que personne n’aurait accepté. Avec lui, les vis deviennent visibles. Les rondeurs souples des années 1960 disparaissent au profit de lignes plus tendues, plus nerveuses. La lunette octogonale de la Royal Oal en est l’illustration. Genta pressent que les années 1980 seront celles de la performance, de l’hypersport – si l’ultra affûtée Ferrari Testarossa voit le jour en 1984, ce n’est pas un hasard.

*Cet article est issu de notre numéro d’automne 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*