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MAXIMALISME : LA BEAUTÉ DU “MORE IS MORE”

Par LEONARDO PETRINI

Exit les intérieurs impersonnels et l’emploi du minimalisme pour cacher un manque de courage. Aujourd’hui, le maximalisme est redécouvert comme un hymne à la joie de décorer de manière ultra personnalisée. Parce que ‘more is more’, comme le disent ses adeptes.

Il y a quelque temps, dans la décoration d’intérieur, un grand nombre de plaisanteries ont visé le soi-disant ‘Millennial Grey’, plus qu’une couleur, symbole — de manière subtilement ironique — des difficultés rencontrées par cette génération ayant traversé la plus grave crise financière de l’histoire contemporaine, sous la forme d’une tendance à décorer son appartement avec des tons neutres, définis par les médias et les réseaux sociaux anonymes, ou pire encore, sans aucune âme.

« Au cours des dix dernières années, la décoration intérieure a connu une forme de lissage probablement liée à la démocratisation des marques scandinaves, qui prônent une esthétique neutre mais souvent dénuée de personnalité — explique Stéphane Arriubergé, cofondateur de la maison de mobilier contemporain Moustache Paris, connue pour ses objets aux couleurs vives et aux formes géométriques exubérantes, comme ses chaises Gelato et Bold, ou encore ses lampes Olo. Aujourd’hui, nous semblons entrer dans une nouvelle phase, où l’on prend conscience de l’importance d’intégrer des objets qui racontent une histoire, qui disent quelque chose de notre époque et de la société contemporaine. »

À contrecourant des tendances minimalistes, c’est donc le maximalisme qui a récemment regagné du terrain. Loin d’être une mode passagère, cette approche a traversé l’histoire du design et de l’architecture, trouvant au fil des époques des contextes variés pour s’exprimer avec une étonnante capacité d’adaptation. De l’opulence baroque et rococo — faite de motifs ornementaux, de textures superposées et de matériaux luxueux — aux géométries audacieuses et couleurs vibrantes du style Art déco, en passant par les tapisseries florales et les papiers peints de l’époque victorienne, le maximalisme s’est imposé comme une véritable philosophie de l’habitat.

Aujourd’hui, il est adopté comme un mélange de références au passé, sans pour autant sombrer dans une célébration du chaos. Couleurs, contrastes, imprimés éclectiques, motifs marqués, superpositions de tissus et de matériaux : tout est permis, à condition que cela fasse partie d’une sélection soignée, pensée dans les moindres détails. Pour un exemple concret, l’œil se porte vers l’univers complexe et stratifié de l’architecte d’intérieur parisienne Sandra Benhamou, ou encore les intérieurs hétérogènes de Laura Gonzalez, une reine du maximalisme.

« La surcharge est l’écueil à éviter pour adopter au mieux le maximalisme. Il est essentiel de distinguer le maximalisme du kitsch : l’accumulation doit rester maîtrisée et élégante. Ajouter un papier peint supplémentaire, par exemple, n’est pas toujours pertinent. Mieux vaut parfois soigner les détails, car le maximalisme s’exprime aussi dans la finesse du dessin », souligne Pauline Plegat, cofondatrice de l’agence Plegat & Joubin, qui a dirigé l’aménagement et la décoration de Maison Bohème, une résidence hôtelière parisienne au cœur de Montmartre pensée dans un esprit maximaliste mêlant influences rétro, romantiques et bohèmes. Pour Stéphane Arriubergé, « l’essentiel est le message au fond. S’il y en a un, alors vive l’excès. »

Les chiffres issus des plateformes confirment l’affirmation d’une véritable tendance : sur Pinterest, les recherches pour “décoration murale en tissu” ont augmenté de 135 %, celles pour “appartement éclectique” de 630 % et celles pour “maximalisme éclectique” de 215 %. Mais pourquoi cet engouement refait-il surface maintenant ?

« Il y a une relation avec une quête de singularité », soutient Franck Millot, directeur des partenariats chez Maison & Objet et directeur de la Paris Design Week, qui sont à la fois précurseurs et caisse de résonance des nouvelles tendances. Dans l’espace tendances du PAD, une grande attention est portée aujourd’hui au maximalisme. Preuve en est la récente nomination de Harry Nuriev — dont les projets sont toujours nourris par une réflexion sur la saturation et l’abondance — au titre de designer de l’année.

Selon Millot, tout comme au XXe siècle, à l’aube de la deuxième révolution industrielle, le mouvement Arts and Crafts a vu le jour en réponse à une uniformisation croissante des styles de vie, aujourd’hui, en réaction à l’intensification de la révolution numérique, le maximalisme trouve un terrain fertile pour s’exprimer — comme un refus de l’anonymat, mais aussi comme une affirmation de sa propre identité. Assiste-t-on à un nouveau tournant dans l’histoire du design ?