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Kwir Nou Éxist - Copyright Raya Martigny & Édouard Richard

« KWIR NOU ÉXIST » : FIERTÉ QUEER AUX TUILERIES

Par LAURA PERTUY

Fil rouge de la programmation du Festival Paris l’été, qui prend cette année ses quartiers au Jardin des Tuileries, l’exposition photographique signée Raya Martigny et Édouard Richard porte haut les luttes queer-kwir de la jeunesse réunionnaise et promeut un travail aussi urgent que vital de décolonisation des regards.

Rien d’anodin à ce que s’exposent, en un endroit où se tenait jadis le palais des Tuileries commandité par Catherine de Médicis, sis non loin d’un autre, plus récent, symbole de pouvoir pyramidal, les corps, cœurs et fiertés des Réunionais·e·s photographiés en leur île, que colonisa la France au 17e siècle. Installés près des arbres et sertis de cadres en bois sur chevalets, les portraits de cette jeunesse queer et créole se prolongent sous la canopée, s’arrogeant un espace qui leur aura longtemps été hostile. Saisis en extérieur, dans la lumière si particulière qui caresse l’île entre chien et loup, ces jeunes âgé·e·s de 18 à 25 ans au moment des prises de vue – débutées en 2021, au moment de la première marche des visibilités organisée sur place – racontent le tournant qui s’opère actuellement à La Réunion dans l’inclusion et la célébration de la communauté LGBTQIA+. La frontalité des regards, l’assurance des poses et la tendresse qui s’épanouie dans les photographies de groupe imposent – et c’est tout aussi joyeux que nécessaire – l’émergence de luttes, d’associations, d’espaces d’échanges et d’espoir pour une génération de jeunes insulaires.

Mannequin, actrice (notamment chez Alexis Langlois) et co-photographe du projet « Kwir Nou Éxist », Raya Martigny, elle-même originaire de La Réunion, a exprimé sa grande fierté à présenter cette exposition où se dit « l’histoire de la jeunesse et du métissage de mon île. Notre histoire nous a été volée, elle a souvent été mal racontée et nous voulions la restituer avec ces portraits. Je vous donne un morceau de ce que je suis tout en faisant la paix avec ce qui a longtemps été douloureux pour moi. » Empêchée dans son affirmation identitaire par l’absence de représentations queer lors de ses jeunes années, l’artiste a souhaité mettre en avant une jeunesse qui célèbre ce qu’elle est et ce qu’elle fait, aux côtés d’Édouard Richard, réalisateur et photographe qui a, lui, souligné « la complexité de monter un projet dans la culture aujourd’hui » et le symbole « d’amener cette mixité, cette créolité au sein des Tuileries ». Un geste artistique et politique accompagné, lors du vernissage, par un DJ set latin core de l’inénarrable Claude-Emmanuelle et par une performance de Brandon Gercara, héraut·e de la réflexion kwir (terme créole qui désigne l’identité queer et réunionnaise), lancé dans un ébouriffant « lip-sync de la pensée » où s’exprimaient notamment les discours féministes, progressistes et intersectionnels de Françoise Vergès et Elsa Dorlin.

Accessible gratuitement jusqu’au 25 juillet, à partir de 18h en semaine et 17h le week-end, « Kwir Nou Éxist » donnera lieu à deux autres soirées spéciales : le 20 juillet pour une noce festive avec l’association Fawa et le 22 juillet pour un débat entre Brandon Gercara et Sanjeeyann Paleatchy, suivi d’un drag show avec Soa de Muse et Sheinara Tanjabi. 

Le travail de Raya Martigny et d’Édouard Richard s’installera ensuite à la Frac de Saint-Leu, à La Réunion, avant de s’envoler pour Rio et São Paulo dans le cadre des échanges culturels entre la France et le Brésil.