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Illustration: Stéphane Manel

Rimbaud, le parfum “absolument moderne” de Céline

Par MAÏTÉ TURONNET, Illustration STÉPHANE MANEL

Se revendiquer du temps d’il y a cinquante ans tout en s’inscrivant dans l’avant-garde, c’est le double salto arrière que réussit Hedi Slimane avec son nouveau parfum, Rimbaud.

On avait complètement loupé la chose. Il y a trois ans, peu après avoir repris la direction artistique de Celine, Hedi Slimane (ex-dynamiteur de la mode masculine lors de son passage chez Dior) avait lancé une série de neuf parfums “de couturier”. Ce n’est qu’aujourd’hui, à l’occasion de la présentation des deux derniers de la collection, dont Rimbaud, qu’on a eu vent de l’affaire et que l’on a tout senti.

L’artiste – car clairement c’en est un – ne communique pas le nom des compositeurs avec lesquels il a travaillé (tout juste sait-on qu’ils ou elles sont trois, dont – on le soupçonne – Annick Ménardo) et pour une fois, on pense que cela se tient tant ces parfums sont signés. Et que cette patte est unique. Très classique mais novatrice, intellectuelle, androgyne, sensuelle, complexe mais lumineuse.

Fil rouge : l’iris et ces accents poudrés qui, il y a presque vingt ans déjà, traversaient Dior Homme de part en part. Ici, tant dans Nightclubbing que Black Tie (référence à sa collection 2000/2001 chez Yves Saint Laurent et comme un hologramme de son célèbre Bois d’argent, signé de Ménardo pour Dior) ou dans Cologne française (notre préféré absolu), le rhizome est présent partout. En sous-note, en majeur, en fond. Et comme chacun le sait, iris = chic. Surtout quand s’y ajoutent les aldéhydes qui firent la joie des seventies. D’ailleurs, il dit : “Oubliez tout ce qui a été fait après les années 1970.” Elles aèrent la matière, éclairent les feuillages – beaucoup de notes vertes – ou les ombres boisées musquées. Et envolent l’ensemble vers le souvenir revisité d’époques moins factices.

Rimbaud : ainsi est nommé le dernier- né. Hommage au poète de moins de 20 ans, ni tout à fait garçon ni lisiblement fille, aussi beau et (re)belle que les amis musiciens de Slimane, et pour lui, idole absolue. Il lui a offert une lavande délicate mais déterminée, une gerbe de ces blés d’été dans lesquels la jeunesse se roule ivre de soleil, et le musc et la vanille qui rappellent qu’à cet âge on est aussi sérieux que l’on est insouciant. C’est très beau.

Quant au lourd flacon coiffé d’un bouchon qui s’aimante au col, il s’habille d’une étiquette toute simple, gaufrée de blanc avec une typo noire : Rimbaud, Celine, Paris. Plus chic, on ne voit pas.